La propension du Yin Yoga à la méditation

Se déplacer vers l'immobilité,

S.Pucelle -

Nous évoquons souvent, lors de nos présentations au début de chaque formation ou atelier, notre parcours respectif dans le yoga et la méditation, les raisons pour lesquelles nous pratiquons et enseignons, et nos expériences dans ces disciplines.

Nous avons été initiées à la méditation bouddhiste au début des années 2000, notamment en suivant des retraites silencieuses régulières et en recevant des enseignements sur le Dharma transmis sous la conduite de moines et d'enseignants compétents.

Nous avons tous deux pratiqué différentes formes de Hatha Yoga, en quête d'une pratique posturale pour soutenir nos efforts méditatifs. Ce n'est qu'en 2006, après plusieurs rencontres avec la pratique du yin yoga, que nous avons lentement adopté cette approche. Il devenait progressivement évident que les qualités naturelles intrinsèques du yin yoga permettaient de soutenir un esprit méditatif et de préparer le corps à une assise prolongée.

Si nous pouvons résumer les qualités qui favorisent une pratique méditative, elles seraient les suivantes :

  • Ralentissement - Il contribue à réduire les rythmes corporels, tels que les battements cardiaques et la fréquence respiratoire, principalement en raison de la nature passive de la pratique. La lenteur favorise le calme et est propice à l'observation objective.

  • Introspection - La pratique du Yin Yoga oriente et focalise l'attention vers notre intériorité dès les premiers temps de pratique. Les yeux fermés, notre attention est dirigée vers les sensations corporelles et la respiration, ce qui ouvre un champ de perception introspectif.

  • Patience - En restant plus longtemps dans chaque pose, nous sommes doucement ramenés vers différentes formes d'inconfort à la fois physique, émotionnel ou mental, facilitant ainsi à la fois l'acceptation et le relâchement de ces résistances.

  • Relaxation et Abandon - Ces qualités se diffusent progressivement et imprègnent le pratiquant. Le temps est le facteur qui conduit naturellement au relâchement et à la relaxation, celui-ci représentant le moyen le plus accessible et le plus naturel de rester dans la posture pendant le temps imparti.

En associant le Yin Yoga à notre pratique méditative, notre assise posturale est plus aisée à maintenir pendant de longues périodes,bénéficiant de toutes les qualités mentionnées ci-dessus qui viennent soutenir nos efforts méditatifs.

Au-delà de la flexibilité mécanique et physique que la pratique facilite, le Yin Yoga est un espace de conditionnement pour le pratiquant de méditation. Lorsque nous proposons nos enseignements sur la méditation, nous les relions à la philosophie des Yoga Sutras de Sri Patanjali. Nous commençons par résumer les quatre chapitres pour en extraire les messages clés, puis en s'appuyant sur les différents concepts philosophiques partagés dans son traité afin de décrypter sa vision et dresser la carte qu'il nous a léguée vers la cessation de la souffrance et la libération de toutes contraintes et conditionnements.


Si nous devions choisir un sutra relatif à la pratique du yoga et de la méditation, nous opterions pour le sutra suivant :

1.14 - La pratique devient fermement établie lorsqu'elle est cultivée de manière ininterrompue avec dévotion sur une période de temps prolongée.


Après plus de deux décennies d'enseignement du yoga et de la méditation, nous avons conclu que c'est précisément ce que décrit ce sutra qui fait cruellement défaut dans la pratique moderne du yoga aujourd'hui.

Voici comment le Yin Yoga est à même de combler cette lacune.

Tout d'abord, Sri. Patanjali a défini la pratique du yoga comme un effort de concentration et de canalisation de l'esprit. Le yin yoga établit un esprit méditatif en permettant au pratiquant de renoncer à réagir, créant ainsi un espace neutre entre la réponse et l'identification à la sensation physique. Son rythme lent en fait un cadre idéal pour observer l'interaction physique et mentale.

Les deux ingrédients - passivité et relaxation - contribuent à initier le processus de désidentification en rythmant la relation entre le corps, l'émotion, la pensée et l'observation consciente.

Toutes les traditions destinées à éveiller l'observateur, le voyant, le témoin, ou toutes les pratiques visant à se connecter aux sensations les plus subtiles, telles que la méditation, le Qi Gong ou le Shiatsu, pour n'en citer que quelques-unes, ont en commun un rythme progressant du relâchement vers une plus grande relaxation.

L'un des principaux éléments du Sutra 1.14 est la capacité à maintenir une pratique “ininterrompue”, pour reprendre les termes de Sri. Patanjali.

Tout un chacun peut fixer son esprit sur un objet, grossier ou subtil, pendant un moment, mais cela n'a toutefois aucune répercussion dans la pratique de la méditation. Pour modifier notre conscience et lui permettre de se détacher du complexe corps-esprit, l'effort doit être prolongé et soutenu. Bien sûr, il y a une graduation dans ce processus.

Dans le contexte de la pratique du Yin Yoga, lorsque nous l'enseignons en conjonction avec la méditation, nous offrons au pratiquant deux champs d'attention.

 

1. Le souffle : La capacité à maintenir l'attention sur la respiration, en particulier sur le mouvement de la paroi abdominale, lorsqu'elle se déploie à l'inspiration et revient à la position neutre à l'expiration. L'observation attentive du mouvement manipulé ou passif de l'abdomen pendant les asanas finit par absorber une partie de l'agitation de l'esprit tout en canalisant sa volition.

2. Les sensations corporelles : Il s'agit du processus de connexion et d'exploration des sensations corporelles suscitées par l'asana. Chaque posture cible des zones spécifiques du corps, les soumettant à des tensions et des compressions.

Cela ouvre un champ d'exploration à notre paysage somatique intérieur, dans lequel l'esprit sera attiré pour intensifier ou atténuer les sensations.

L'esprit curieux accompagnera naturellement cette sensation à la recherche de son emplacement anatomique exact et/ou associera l'expiration au relâchement de la résistance initiale des muscles et des tissus conjonctifs. Le pratiquant devient naturellement fasciné par sa compréhension et sa gestion de l'intéroception ainsi que par la régulation de sa perception des sensations. Il existe d'autres façons de diriger l'esprit, comme le suivi de l'adaptation des tissus au stress appliqué.

L'objectif est de rééduquer l'esprit en lui donnant une direction claire tout en lui permettant de se détourner des stimulations externes pour se consacrer à l'absorption corporelle interne. Ce processus prend place en maintenant l'attention vers l'intérieur, ce qui marque la première étape vers l'involution soulignée par les enseignements du yoga. Le yin yoga offre au pratiquant un environnement qui lui permet de se libérer des stimuli externes liés au monde et à ses cinq sens. En restant dans le champ somatique, une relation amicale et bénéfique s'établit entre le complexe corps-esprit et la conscience.

 

Toute pratique posturale peut devenir une plate-forme pour développer un esprit méditatif. Notamment, plus une pratique est introspective, lente et relaxante, plus elle favorise la méditation.

En comprenant clairement la nature de la méditation tout en guidant habilement la pratique du yin yoga, ces deux pratiques se nourrissent l'une l'autre et complètent leurs natures respectives. Le développement d'un esprit méditatif progresse généralement par l'immobilité et l'observation.

Il existe donc un décalage entre une pratique méditative assise et les mouvements et activités de la vie quotidienne ; la pratique du yin yoga comble en quelque sorte ce fossé. Dans un premier temps, elle permet au pratiquant de rester en contact avec les sensations corporelles du quotidien, puis de se détacher progressivement des stimulis du monde extérieur, ce qui est nécessaire à la pratique méditative. Ceci contribue sans aucun doute à l'effort approprié et ininterrompu vers la désidentification au bénéfice d'un esprit méditatif.


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